Ravages est une revue culturelle, politique, littéraire, et sociale de gauche. Au milieu du bruit, elle tente d’offrir une percée de curiosité et d’enthousiasme. Nos décryptages, analyses et textes de fiction n’ont d’autre ligne éditoriale que celle-ci : faire entendre quelques nouvelles voix.

PREMIER NUMÉRO

LE VIDE

ÉDITO

Renaissance, recommencement, une nouvelle génération d’auteurices s’empare de Ravages.

par ISABELLE SORENTE

Lorsque nous avions lancé la revue pour la première fois, en 2008, nous avions comme souvent une motivation consciente et une autre, plus occulte, nous échappant à nous-mêmes, qui était peut-être la plus essentielle. Notre motivation officielle, la raison d’être de Ravages, était de se donner un espace suffisant pour soulever ces questions dangereuses et vitales que l’accélération de nos vies, les temps de parole réduits et le nombre de signes limités, rendaient déjà casse-gueule et périlleuses. Nous voulions un espace sûr pour nos questions gênantes, nos désaccords et nos rêves à vif, et Ravages fut cet espace. Une dizaine de numéros furent ainsi consacrés à des sujets comme l’animal, le trouble dans le genre, la démocratie, l’infantilisation, le chaos climatique… Et à mesure des discussions nocturnes – car Ravages souvent s’écrivait la nuit – avec Frédéric Joignot, Ruwen Ogien, Wendy Delorme, Jonathan Littell, le Bondy Blog, pour n’en citer que quelques-un.es, un réseau d’amitiés se créa.

L’amitié était la motivation occulte. Je m’en rends compte en écrivant ces lignes, dix-sept ans plus tard. L’amitié et son pouvoir de création, de transmission et de transgression. L’amitié qui unit contre toute attente – et pose les questions gênantes.

Les auteurices qui donnent aujourd’hui une nouvelle vie à Ravages sont plus conscient.es que nous ne l’étions de la dimension révolutionnaire de l’amitié – et de sa nécessité pour faire face au vide. C’est le thème qu’iels ont choisi pour ce premier numéro, le vide. Backrooms qui hantent la toile comme les labyrinthes insensés de notre monde productiviste, résonances du mouvement punk, difficulté de s’aimer soi-même quand nul ne sait ce que ça veut dire, frontières invisibles que les pauvres ne peuvent franchir… tels sont quelques-uns des textes à découvrir dans ce premier numéro. Artistes, écrivain.es, journalistes, photographes, celles et ceux qui les ont écrits ont toustes moins de trente ans.

C’est une joie immense que Ravages soit désormais leur.

ANALYSE

MAURACELENT

“ Le visiteur marche sans savoir quoi faire face aux sollicitations d’un régime qui tourne à pleine puissance pour lui fournir les outils de son existence mais échouant à imiter l’humain. L’intérêt principal est de pouvoir sortir : sortir de ce qui est manufacturé, de ce qui enferme, qui est carré, vide et silencieux. ”

ANALYSE

AYMERIC PAQUIN

“ Lorsque le groupe n’est plus en élévation ou en face des spectateurs, l’habitude du corps à se positionner et à regarder d’une même façon se déconstruit. Modifier ces codes permet de désapprendre une technique du corps inculquée et les soustraire à leur assignation. ”

FICTION

MARIE LAVEZZI

De toute cette histoire, je n’ai que des bribes, comme des petits morceaux de rien sur lesquels on plaque des images, des chansons, des scènes de film.  ”

POLITIQUE

SIMON DENNIS

Dans une capitale plus que jamais muséifiée, la présence des pauvres dérange. ”

ANALYSE

ROBIN SANT

Lutter contre ces systèmes fermés devient urgent dans une société qui se dématérialise. ”

ANALYSE

CLÉMENCE FAU

C’est justement pour cette raison que la non-binarité – la non-conformité de genre est invisibilisée, voire diabolisée : parce qu’elle remet en question cet ordre établi du genre, et par extension de toute notre société. En réinterrogeant le rapport au corps et en le décorrèlant du genre et du sexe, la non-conformité court-circuite les rôles sociaux. Elle cristallise les discours misogynes, homophobes et racistes, qui accompagnent cette structure binaire de la société. 

LITTÉRATURE

MAURACELENT

“ C’était un été étrange et étouffant, l’été où j’ai lu Sylvia Plath. ”

ANALYSE

NELL GALLAIS

L’argument est providentiel, presque magique : pour rejeter en bloc l’existence même du patriarcat, les masculinistes brandissent en étendard les statistiques – au demeurant affligeantes – du suicide des hommes.

POLITIQUE

SIMON DENNIS

Après des décennies passées à tenter discrètement de changer les choses de l’intérieur, les gauches américaine et britannique semblent désormais avoir fait le choix de s’émanciper clairement des partis démocrate et travailliste.

ANALYSE

UNA JULLIEN

Le traitement financier des biens immobiliers configure la ville au gré des aléas du marché d’immobilier d’entreprise. Il appartient aux services de ces cabinets de conseil de transformer notre ville, nos espaces, nos lieux de vie. Entre leurs mains, l’espace ne répondra qu’à leurs besoins, jamais aux nôtres. 

LITTÉRATURE

LOUISE JOLY

La pensée du vide permet à l’homme d’occulter ce qu’il ne voit pas à l’œil nu. Il ne se rend compte de la présence de l’air qu’à travers la brume et le brouillard : il ignore que le vivant, dépourvu de ses expressions sensibles, demeure. Le « halètement du monstre » ne disparaît pas.

LITTÉRATURE

LILA DOUSSON

Lire Marguerite Duras, c’est traverser un corps romanesque disloqué, fuyant, un récit en creux où chaque mot s’approche d’une figure qui s’efface au moment d’apparaître. Lol V. Stein n’occupe pas l’intrigue : elle la perfore. ”

TÉMOIGNAGE

LÉA GUGELMANN

Ça peut paraître stupide ou insignifiant pour certains, mais je suis la première femme de ma génération à être seule. Ma mère, mes grand-mères et toutes les femmes qui m’ont précédée dans ma lignée sont passées de la maison familiale au foyer conjugal. Des milliers de paires d’yeux du passé me regardaient. J’étais un bug dans la matrice génétique. ”

ANALYSE

ROMAIN*

N’est-ce pas un tour de force que de diviser, par le discours puis par la loi, des personnes qui peuvent trouver concorde dans leur vie prolétarienne quotidienne et solidarité dans la lutte contre la « société dirigeante », pour reprendre l’expression mitterrandienne, qui les opprime et les exploite ?

LITTÉRATURE

NELL GALLAIS

Impossible qu’un miroir ne soit rien d’autre qu’une substance plate et réfléchissante. S’il est capable de montrer des éléments de réalité supplémentaires, ou de dépouiller de leur fausseté les illusions qui se présentent à lui, il revêt nécessairement une profondeur, une autre dimension à laquelle on accède par sa contemplation. Et s’il y a profondeur, s’il y a une matière vivante entre la surface et le tain, alors la traversée est possible. C’est là que le voyage commence. ”